ORIENT EXPRESS, 2019

Michel Butor avait pris un train de longue durée lors de son premier voyage à Istanbul en 1956, et j’avais en tête de suivre cette voie. A l'époque, il voyageait avec un appareil photo Semflex et tirait ses photos au format 6x6.

J’ai voyagé à bord de l’ancien Orient-Express durant trois jours : j’ai traversé quatre pays en partant de Vienne (Autriche) puis Bucarest (Roumanie), Ruse, Gorna Orjahovtisa et Dimitrovgrad (Bulgarie) jusqu’à Istanbul Halkali (Turquie). Pénibilité du long trajet et difficultés inattendues rencontrées : l’accumulation des retards, la sensation de s’enfoncer dans un brouillard des heures durant, l’impossibilité de dormir et la demi-conscience, la perte de la sensation du temps, méfiance permanente et contrôles démultipliés.

« Je me suis réveillé dans le train qui roulait toujours. J’ai soulevé le rideau pour regarder au dehors. Jamais je n’avais vu telle désolation. La pluie tombait sur le plateau de Thrace, sans un arbre, couvert, parmi ses cailloux, de petits buissons épineux et d’asphodèles. Ici et là, dans leurs enclos de
barbelés, près de leurs campements de tôle, des soldats turcs suivaient des yeux les wagons venus d’Occident. Nous avions déjà plusieurs heures de retard. J’ai refermé le rideau pour me remettre à dormir. »

Michel Butor, Génie du lieu (1954)